Le Fort/Camp – Espérance
Le Fort- Espérance (1) prêt de la ville de Miramichi au Nouveau Brunswick est le camp ou les acadiens, on put temporairement se réfugier (1756-1757) pour échapper aux Anglais. Nous ne connaîtrons probablement jamais le nombre exact de réfugiés acadiens qui ont séjourné au camp d’Espérance de la Miramichi à l’hiver 1756-1757 ni le nombre de personnes qui y sont décédées, faute de témoignages donnant des détails précis à ce sujet.
Ne camp de L’Espérance localisé à Miramichi au Nouveau Brunswick prit forme à la fin de l’été 1756, après que de nombreux réfugiés acadiens aient accepté de converger vers ce lieu qui devait leur faciliter l’arrivée des secours depuis Québec. Du moins, le croyaient-ils… Ils s’étaient mis sous la protection du capitaine français Charles Deschamps de Boishébert (1727-1797) qui, depuis la chute du fort Beauséjour, en juin 1755, luttait avec acharnement contre les détachements anglais chargés de capturer les fugitifs acadiens sur le territoire du Nouveau-Brunswick. Sans doute étaient-ils satisfaits de ne pas trop s’éloigner de leurs terres d’Acadie, alors que Boishébert avait tenté de les convaincre de se rendre à Québec depuis la rivière Saint-Jean (NB), Cocagne (NB) et l’île Saint-Jean (actuelle Île-du-Prince-Edouard).
Boishébert établit donc son premier camp à Cocagne (camp Belair), lieu de rencontre des sauvages, et, de là, avec ses bandes harcelait l’ennemi à chaque occasion. Il y demeura du début de novembre à la mi-février. Un évadé du fort Beauséjour, Pierre Suret, relata qu’à une excursion par les Anglais vers Memramcouk (Memramcook);
“le commandant de ce party avait ordre de se saisir de tous les Acadiens dans cet endroit, de faire mourir incontinent tous ceux qui s’y trouveraient en état de porter les armes, de leur lever la chevelure… d’emmener tout le reste après avoir laissé au bout d’un piquet une lettre pour M. de Boishébert, à peu près de ce style: Vous avez commencé, nous continuons sur ce même ton jusqu’à ce que vous vous retiriez de ce canton avec vos sauvages. On dit chez vous aux sauvages qu’autant
d’Anglais qu’ils tueront, ce sera autant d’échelons pour aller en Paradis. Nous ajoutons que c’en sera deux pour nos gens par autant d’Acadiens qu’ils détruiront.”
Pendant ce temps, les familles de réfugiés devaient être nourries, tant sur l’île-Saint-Jean qu’à Cocagne. Durant l’hiver 1755-1756, les habitants de Cocagne purent vivre grâce au bétail qu’ils avaient réussi à sauver de la région de Beaubassin après la prise britannique. Mais selon l’abbé Francois Le Guerne (1725-1789), il n’était pas sain de manger que de la viande, comme le démontrait la situation environ les soixante familles réfugiées : « De plus, nous avons une sorte d’épidémie, se manifestant par des indigestions, accompagnées de migraines et de points de côté, suivies d’une dysenterie intense. Cette maladie dure longtemps. Elle reste répandue et a emporté plusieurs personnes.”
Selon l’abbé François Le Guerne, le site du camp d’Espérance était à « … 10 lieues au-dessus de la mission des sauvages dans un lieu affreux, où l’on n’a jamais rien semé, où il n’y a point de chasse et peu à pêcher ». En cette année 1756, le Canada et l’île Saint-Jean connaissaient une très mauvaise récolte et subissaient déjà une grave période de disette, de sorte que la pénurie de nourriture se fit très vite sentir au camp d’Espérance. Le bateau chargé de vivres envoyé de Québec par l’intendant Bigot n’arriva jamais à la baie de Miramichi. L’hiver 1756-1757 fut terrible. Le camp contait environ 1376 personnes dont environ 400 Acadiens moururent de faim, de misère ou de maladie contagieuse(1).
L’abbé LeGuerre écrit: “On a donc placé, les Acadiens qui ne pouvaient plus subsister dans leurs quartiers dans un endroit de misère, je veux dire à Miramichi où ces pauvres gens sont morts l’hiver dernier en grande quantité de faim et de misère, et ceux qui ont échappé à la mort n’ont pas échappé à une horrible contagion
et ont été réduits par la famine qui y règne, à manger du cuir de leurs souliers, de la charogne (mot signifiant la chair en décomposition des animaux morts) et quelques-uns même ont mangé jusqu’à des excréments d’animaux”.
Seule l’arrivée d’un bateau de vivres envoyé en secours par le gouverneur Vaudreuil permit réellement de soulager les survivants. Dès le printemps 1757, 120 d’entre eux choisirent de se réfugier à Québec, alors que les autres préféraient rester à Miramichi ou ils se dirigent vers la baie des Chaleurs à Ristigouche, Bathurst, Caraquet et Shippagan.
En septembre 1758, après la capitulation de la forteresse de Louisbourg, les Anglais tentèrent, sans succès, de détruire le camp de la Miramichi. Ils brûlèrent l’église et les habitations de la mission mi’kmaq située plus en aval (aujourd’hui Burnt Church), mais les forts vents du large les dissuadèrent de remonter plus en amont. Par la suite, les familles acadiennes furent déplacées au camp de la Ristigouche, au fond de la baie des Chaleurs, où s’étaient réfugiés plus de mille Acadiens. Le camp de la Miramichi ne fut abandonné qu’en novembre 1761, après la capture de ses derniers réfugiés lors d’une attaque anglaise dirigée contre les établissements acadiens de la baie des Chaleurs.
(1) D’après les études approfondies de RONNIE-GILLES LEBLANC, il estime que 1 376 est le nombre approximatif de réfugiés acadiens qui ont séjourné au camp d’Espérance. Quant au nombre de victimes, il estime environ 400 personnes si l’on s’en tient au nombre de 856 personnes qui auraient survécu et qui seraient demeurées en Acadie à cette époque, c’est-à-dire près du tiers des réfugiés acadiens du camp d’Espérance. Son étude ” Les réfugiés acadiens au camp d’Espérance de la Miramichi en 1756-1761 : un épisode méconnu du Grand Dérangement, Volume 41, numéro 1, winter/spring 2012″ contient la liste des individus /familles connue qui étaient au Camp d’Espérance.
